Le Conseil d’État explicite l’office du juge de l’excès de pouvoir saisi de plusieurs moyens pouvant justifier l’annulation de la décision et, le cas échéant, l’injonction demandée par le requérant
Conseil d’Etat, 21 décembre 2018, Société Eden, n°409678, Publié au recueil Lebon
Le nouveau principe dégagé par le Conseil d’Etat
Il appartient au juge de l’excès de pouvoir saisi de plusieurs moyens pouvant justifier l’annulation de choisir celui le mieux à même de régler le litige au vu de l’ensemble des circonstances de l’affaire.
Ce principe connaît, toutefois, deux tempéraments :
-Lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d’annulation, des conclusions à fin d’injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l’autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l’excès de pouvoir d’examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l’injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d’injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l’article L. 911-2.
-Lorsque le requérant choisit de hiérarchiser, avant l’expiration du délai de recours, les prétentions qu’il soumet au juge de l’excès de pouvoir en fonction de la cause juridique sur laquelle reposent, à titre principal, ses conclusions à fin d’annulation, il incombe au juge de l’excès de pouvoir de statuer en respectant cette hiérarchisation, c’est-à-dire en examinant prioritairement les moyens qui se rattachent à la cause juridique correspondant à la demande principale du requérant.
L’application au cas d’espèce
Au cas d’espèce, la société Eden, qui exploite une école de conduite de navires de plaisance, a demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 avril 2013 par laquelle le préfet du Var a refusé de renouveler son agrément en qualité d’établissement de formation à la conduite des navires de plaisance à moteur et d’enjoindre au préfet, à titre principal sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, de délivrer l’agrément sollicité ou, à titre subsidiaire sur le fondement de l’article L. 911-2 du code de justice administrative, de procéder à un nouvel examen de sa demande.
Par un jugement du 9 juillet 2015, le tribunal administratif a jugé que la décision attaquée était insuffisamment motivée, a prononcé, pour ce motif, son annulation pour excès de pouvoir et a enjoint au préfet du Var de réexaminer la demande d’agrément du navire.
La cour administrative d’appel de Marseille a été saisie par la société Eden d’un appel contre ce jugement, en tant qu’il n’avait pas fait droit à ses conclusions à fin d’injonction formulées à titre principal.
La cour administrative d’appel de Marseille a rejeté cet appel par un arrêt du 9 février 2017 au motif que le tribunal administratif avait retenu le motif le mieux à même de régler le litige et qu’en conséquence il n’était pas tenu de se prononcer sur les autres moyens de la requête et qu’il avait à bon droit rejeté les conclusions à fin d’injonction dont il était saisi à titre principal.
Le Conseil d’État valide le raisonnement de la Cour et, par conséquent, rejette le pourvoi de la société Eden.