Le concurrent évincé pour cause d’offre irrégulière ne peut pas critiquer l’appréciation des autres offres, même au regard de leur caractère régulier ou acceptable, à moins que ces irrégularités n’affectent le contrat d’un vice d’ordre public, tel le caractère illicite du contenu du contrat.
L’erreur conduisant à une appréciation inexacte du coût d’un achat par le pouvoir adjudicateur n’est pas, en elle-même, constitutive d’un vice du consentement.
Conseil d’Etat, 9 novembre 2018, n° 420654
La Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a lancé un appel d’offre en vue de l’attribution d’un marché relatif au dépistage du cancer colorectal.
Deux groupements momentanés d’entreprises, ayant pour mandataire la société GLBM, pour l’un, et le GIE Labco Gestion, pour l’autre, ont présenté chacun une offre. La CNAMTS a rejeté ces deux offres comme étant irrégulières et a attribué le marché le 19 décembre 2014 au groupement constitué par la société Cerba.
Les deux groupements évincés ont alors contesté la validité de ce contrat par deux requêtes tendant à son annulation ou, à défaut, à sa résiliation. Le Tribunal administratif de Paris a rejeté les deux requêtes, par deux jugements qui seront annulés par la Cour administrative d’appel de Paris, dont l’arrêt a prononcé l’annulation du marché avec effet à compter du 1er août 2018. La CNAMTS et la société Cerba se sont pourvus en cassation.
L’arrêt de la cour est tout d’abord annulé pour une première erreur de qualification des faits en ayant jugé que l’annulation du contrat ne portait pas une atteinte excessive à l’intérêt général. Le Conseil d’État rappelle que le cancer colorectal est l’un des plus meurtriers en France : par conséquent, l’interruption du service pourrait avoir des conséquences néfastes sur l’efficacité du programme de dépistage. L’annulation du contrat portait donc nécessairement une atteinte excessive à l’intérêt général.
Par ailleurs, le Conseil d’Etat a considéré que la Cour avait fait une autre erreur de qualification des faits en estimant que l’erreur faite par la société attributaire sur le montant de son offre caractérisait un vice du consentement.
A cette occasion, le Conseil d’État apporte des précisions sur les moyens qui peuvent être soulevés par le concurrent évincé dans le cadre d’un recours Tarn-et-Garonne.
Comme cela a déjà été jugé dans des arrêts précédents du Conseil d’État (Conseil d’Etat, 5 février 2016, n° 383149, Syndicat mixte des transports en commun Hérault Transport), dans le cadre du recours Tarn-et-Garonne, un concurrent évincé ne peut invoquer, outre les vices d’ordre public, que des manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat en rapport direct avec son éviction.
Au titre de tels manquements, le concurrent évincé peut contester la décision par laquelle son offre a été écartée comme irrégulière. En revanche, le candidat dont l’offre a été à bon droit écartée comme irrégulière ou inacceptable ne peut critiquer l’appréciation des autres offres, même au regard de leur caractère régulier ou acceptable, à moins que ces irrégularités n’affectent le contrat d’un vice d’ordre public, tel le caractère illicite du contenu du contrat.
Le vice du consentement constitue également une irrégularité d’ordre public que le candidat évincé peut invoquer, bien qu’elle ne soit pas en lien direct avec son éviction.
En l’espèce, la société avait commis une erreur en indiquant dans l’offre un prix hors taxes et de la mention d’une TVA non applicable, alors que l’acheteur était redevable de la taxe. Le Conseil d’Etat considère néanmoins qu’une appréciation inexacte du coût d’un achat ne caractérise pas, en elle-même, un vice du consentement de nature à affecter la validité du marché, quand bien même l’acheteur se serait mépris sur le coût total de l’offre et ait estimé, à tort, qu’il correspondait aux crédits budgétaires alloués au marché.