Par plusieurs décisions du 23 novembre 2018, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les conséquences d’irrégularités affectant le compte de campagne de candidats aux élections sénatoriales et notamment si celles ci pouvaient entraîner leur inéligibilité.
Pour rappel, il résulte de l’article L. 52-12 du code électoral, rendu applicable aux candidats aux élections sénatoriales par l’article L. 308-1, que chaque candidat aux élections sénatoriales soumis au plafonnement prévu à l’article L. 52-11 du même code et qui a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés doit établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l’ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection.
Ce compte doit être déposé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin. La même obligation incombe au candidat qui a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l’article L. 52-8. Le compte de campagne doit être en équilibre ou excédentaire et ne peut présenter un déficit.
Il ressort également de l’article L. 52-12 que, sauf lorsque aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne, celui-ci est présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés qui met ce compte en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. Lorsque aucune dépense ou recette ne figure au compte de campagne, le mandataire établit une attestation d’absence de dépense et de recette.
Le Conseil constitutionnel a jugé qu’il n’y avait pas lieu de déclarer inéligible un candidat qui n’avait pas déposé de compte de campagne dans le délai imparti (alors qu’il y était tenu), dès lors que ce même candidat a produit devant la Conseil constitutionnel une attestation d’absence de dépense et de recette établie par son mandataire financier, accompagnée de justificatifs qui en confirment les termes (Décision n° 2018-5628 SEN du 23 novembre 2018 ; Décision n° 2018-5673 AN du 23 novembre 2018).
En revanche, le Conseil constitutionnel a jugé que devait être déclaré inéligible pour une durée d’un an :
- un candidat qui a déposé son compte de campagne après l’expiration du délai imparti dès lors qu’aucune des explications avancées par le candidat et par son mandataire financier n’étaient de nature à justifier la méconnaissance des obligations résultant de l’article L. 52-12 (Décision n° 2018-5629 SEN du 23 novembre 2018) ;
- un candidat qui soutient qu’il n’a pas effectué d’autres dépenses que celles correspondant aux frais de la campagne officielle et produit des documents bancaires en ce sens mais n’a pas déposé de compte de campagne dans le délai imparti, ni produit une attestation d’absence de dépense et de recette établie par un mandataire (Décision n° 2018-5640 SEN du 23 novembre 2018) ;
- un candidat dont le compte de campagne a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques faute d’avoir été présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés, dans la mesure où il ne résulte pas de l’instruction que le candidat ait pris les dispositions nécessaires pour que son compte soit présenté dans les conditions prévues par l’article L. 52-12 du code électoral (Décision n° 2018-5653 SEN du 23 novembre 2018) ;
- un candidat qui n’a pas déposé de compte de campagne dans les délais impartis, a produit devant la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques une attestation d’absence de dépense et de recette établie par son mandataire financier mais n’a pas joint à cette attestation les justificatifs qui en confirment les termes, bien qu’il ait été invité à le faire par le Conseil constitutionnel, de sorte que cette attestation ne pouvait être regardée comme probante (Décision n° 2018-5672 AN du 23 novembre 2018)
De même, doit être déclaré inéligible pour une durée de trois ans, eu égard au cumul et au caractère substantiel des obligations méconnues, dont il ne pouvait ignorer la portée, un candidat qui a déposé après l’expiration du délai imparti un compte de campagne ne présentant ni recette ni dépense alors qu’il a indiqué, dans un courrier adressé à la Commission nationale des comptes de campagne, avoir engagé des dépenses à hauteur de 500,46 euros (Décision n° 2018-5656 SEN du 23 novembre 2018)
Par ailleurs, il ressort de l’article L. 52-4 du code électoral qu’il appartient au mandataire financier désigné par le candidat de régler les dépenses engagées en vue de l’élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l’exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l’objet d’un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal.
Si le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis, ce n’est qu’à la double condition que leur montant, tel qu’apprécié à la lumière des dispositions de l’article L. 52-4 du code électoral, c’est-à-dire prenant en compte non seulement les dépenses intervenues après la désignation du mandataire financier mais aussi celles réglées avant cette désignation et qui n’auraient pas fait l’objet d’un remboursement par le mandataire, soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées par l’article L. 52-11 du même code.
En application de ces dispositions, le Conseil constitutionnel a jugé que devait être déclaré inéligible le candidat dont le compte de campagne a été rejeté par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques au motif que le candidat avait réglé directement une part substantielle des dépenses engagées en vue de l’élection, en violation des dispositions de l’article L. 52-4 du code électoral. En effet, les dépenses réglées directement par le candidat, avant la désignation de son mandataire financier, et dont il n’a pas demandé le remboursement par le mandataire, ont représenté 39 % du montant total de ses dépenses et 6,85 % du plafond des dépenses autorisées (Décision n° 2018-5650 SEN du 23 novembre 2018).