Ni la circonstance que le permis de construire modificatif a été délivré après l’expiration du délai imparti par le juge lorsqu’il a sursis à statuer en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, ni celle que la demande de permis de construire modificatif a été complétée après l’expiration de ce délai sont de nature à faire obstacle à ce que le permis de construire modificatif puisse régulariser le permis initial.
CAA Bordeaux, 15 novembre 2018, N°16BX03080
Le 22 décembre 2009, une demande de permis de construire un bâtiment à usage de stabulation pour bovins sur le territoire de la commune de Saint-Salvadour a été déposée au nom d’une l’exploitation agricole à responsabilité limitée. Par arrêté du 28 avril 2010, le maire de cette commune a refusé la délivrance de ce permis de construire. Le tribunal administratif de Limoges a, par un jugement n° 1001368 du 16 février 2012, annulé cette décision et enjoint à l’autorité administrative compétente de statuer de nouveau.
Le préfet de la Corrèze, saisi en application des dispositions du e de l’article R. 422-2 du code de l’urbanisme en raison du désaccord intervenu dans le cadre de cette nouvelle instruction entre le maire de la commune de Saint-Salvadour et le responsable du service de l’Etat chargé de l’instruction, a délivré ledit permis par arrêté du 5 juin 2012
Saisi par des propriétaires de terrains et bâtiments voisins du projet, le tribunal administratif de Limoges a, par un premier jugement du 31 décembre 2015, sursis à statuer sur les conclusions tendant à l’annulation de ce permis pour permettre la régularisation du vice tiré de la méconnaissance des dispositions des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l’urbanisme, relatives à la composition du projet architectural, puis, après que le préfet de la Corrèze a délivré un permis de construire modificatif par arrêté du 2 juin 2016, a rejeté la demande des requérants par un second jugement du 8 juillet 2016.
Après avoir rappelé les dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme aux termes desquelles « Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations », la Cour administrative d’appel a jugé que :
- ces dispositions ne subordonnent pas, par principe, la faculté de régularisation qu’elles prévoient à la condition que les travaux autorisés par le permis de construire initial n’aient pas été achevés ;
- il ne résulte pas de ces dispositions que l’expiration du délai prescrit par le juge pour procéder à la régularisation du permis de construire attaqué devant lui entacherait le permis de construire modificatif délivré d’irrégularité ou ferait obstacle à ce qu’il puisse régulariser le permis initial. Par conséquent, s’il appartient au juge ayant sursis à statuer pour permettre cette régularisation de constater, le cas échéant, que celle-ci n’a pas été effectuée à la date à laquelle il statue de nouveau, postérieurement à l’expiration du délai prescrit par le jugement avant dire droit, et d’annuler en conséquence le permis initial, la seule circonstance que le permis de construire modificatif n’ait pas été délivré dans ce délai n’est pas de nature en elle-même à l’entacher d’irrégularité ou à faire obstacle à la régularisation du vice.
En l’espèce, la demande de permis de construire modificatif déposée le 5 mars 2016 avait été complétée en mai 2016 postérieurement à l’expiration du délai imparti par le tribunal administratif. La Cour considère que le permis de construire modificatif délivré après l’expiration du délai imparti par le juge peut permettre de régulariser le permis initial. Et il en va de même lorsque la demande de permis de construire modificatif a été complétée après l’expiration de ce délai.